Jack Mezirow

Vidéo: Complexité temporelle dans la vie adulte et apprentissages transformateurs (Second Annual Jack Mezirow Lecture at Teachers College)

University of Columbia, Low Memorial Library (Photo: M. Alhadeff-Jones, 2017)

University of Columbia, Low Memorial Library (Photo: M. Alhadeff-Jones, 2017)

Le 4 juin 2017, j’étais invité par l’AEGIS for Life Alumni organization (plus d’informations sur le programme doctoral AEGIS ici) pour donner une conférence dans le cadre de la Second Annual Jack Mezirow Lecture, organisée à l’Université de Columbia. Ce fut pour moi une occasion privilégiée de présenter certaines de mes recherches actuelles sur le temps, les rythmes et la formation des adultes, aux étudiants et au corps professoral de Teachers College.

Ci-dessous, les liens vers les enregistrements vidéo de ma conférence et de la séance de questions et réponses qui a suivi.

Des vitesses toujours plus rapides, le sentiment d’une accélération continue et un sentiment d'urgence permanent représentent certains des aspects qui prévalent dans les sociétés occidentales contemporaines. Le sentiment que la vie est fragmentée autour d'activités qui restent déconnectées les unes des autres, ou qui affichent des rythmes qui semblent incompatibles, y ajoute une sensation de tension et de confusion. Plus que jamais, le temps pour la réflexion critique et les apprentissage significatifs semble manquer dans nos vies et dans notre éducation.

Au cours de cette conférence, j'ai proposé au public une réflexion sur la complexité des temporalités impliquées dans la formation des adultes. Au-delà de la dichotomie entre éducation lente et apprentissage accéléré, j'ai suggéré que nous observions et remettions en question les rythmes contradictoires qui animent ce que nous faisons, nos manières de penser et d’être. En discutant de la publication de mon livre, Time and the Rhythms of Emancipatory Education, j'ai également proposé un nouvel ensemble de compétences susceptibles de permettre aux formateurs et aux professionnels de l’éducation de discuter de manière critique des temporalités multiples qui animent leurs activités, cela afin de permettre d’entrevoir de nouvelles opportunités d'apprentissage transformateur.

Video: Temporal complexity in adult life and transformative learning (Second Annual Jack Mezirow Lecture at Teachers College)

University of Columbia, Low Memorial Library (Photo: M. Alhadeff-Jones, 2017)

University of Columbia, Low Memorial Library (Photo: M. Alhadeff-Jones, 2017)

On June 4th 2017, I was invited by the AEGIS for Life Alumni organization (more about the AEGIS doctoral program here) to be the featured speaker at the Second Annual Jack Mezirow Lecture, held at Teachers College, Columbia University. This was a very privileged opportunity for me to discuss some of my current research around time, rhythms and adult learning with students and faculty members at Teachers College.

Below, the links to the video recordings of my lecture and the Q&A session that followed.

Increased speed, ongoing acceleration, and a sense of permanent urgency are common features that characterize the ways people relate to their personal and professional lives in Western countries. The feeling that one’s life is fragmented around activities that remain disconnected from each other, or display rhythms that seem incompatible, adds to a feeling of stress and confusion. More than ever, time for critical reflection and for deep learning seems to be lacking in our lives and in our education, too.

During this lecture I engaged the audience in a reflection around the complexity of the temporalities involved in adult learning. Beyond the dichotomy of slow education versus accelerated learning, I suggested that we observe and question the conflicting rhythms that pace what we do, how we think and who we are. Discussing the publication of my new book, Time and the Rhythms of Emancipatory Education, I introduced and discussed a new set of skills for educators to engage critically with the multiple temporalities of their life, and trigger new opportunities for transformative learning.

Apprentissages transformateurs et expérience de dilemmes rythmiques

Paterson's Land, University of Edinburgh (Photography: Michel Alhadeff-Jones, 2017)

Paterson's Land, University of Edinburgh (Photography: Michel Alhadeff-Jones, 2017)

J'étais récemment à l’Université d’Édimbourg pour participer à une conférence d'une journée sur la théorie de l'apprentissage transformateur (Transformative Learning Theory and Praxis : New and Old Perspectives) organisée par l'Institute for Academic Development. D'un point de vue rythmique, les documents présentés et les discussions qui ont suivi ont suscité de nombreuses réflexions très intéressantes. Rétrospectivement, il me semble qu'il y avait un fil invisible entre la plupart des communications présentées : s'engager à favoriser un apprentissage transformateur peut amener les formateurs et les apprenants à expérimenter et à remettre en question des formes spécifiques de dilemmes rythmiques.

Dissonance rythmique entre différentes cultures organisationnelles

J'ai commencé ma communication intitulée "The Rhythms of Transformative Learning" en partageant avec le public la "dissonance rythmique" dont j’ai fait l’expérience lorsque j'ai enseigné aux États-Unis pour la première fois. Comme je l'ai décrit ailleurs (Alhadeff-Jones, 2017, p.1, ma traduction) :

"En 2004, lorsque j'ai déménagé à New York et conçu mon premier séminaire sur les histoires de la vie à l'Université de Columbia, j'ai dû adapter un processus qui se déroulait auparavant sur 30 séances [en Suisse] de manière à ce qu'il s'inscrive sur une période de cinq semaines. Il m'a fallu diviser le nombre d'heures de cours par deux. La compression - certains l'appelleraient une accélération - ne concernait pas seulement le temps passé avec les étudiants ; elle affectait également la fréquence de nos rencontres et le processus d'apprentissage qui se déroulait entre chaque session".

J'ai vécu cet épisode comme une source de dissonance pour deux raisons. Premièrement, parce qu'il remettait en question la façon dont je concevais mon activité d'enseignement universitaire sur la base de mon activité en Suisse. Deuxièmement, parce qu'il m'a confronté aux questions politiques, économiques et psychosociologiques soulevées par l'exigence d'"accélérer" le processus d'apprentissage au sein même de mes cours.

Une double contrainte temporelle au sein des attentes institutionnelles

Dans sa présentation sur "l'apprentissage à fort impact dans l'enseignement supérieur" (High Impact Learning in Higher Education) Kris Acheson-Clair (avec J.D. Dirkx et C.N. Shealy) a également exprimé certains des dilemmes rencontrés dans le domaine du développement professionnel à l’université. Cette présentation a révélé ce que j'ai identifié comme une "double contrainte temporelle" (Alhadeff-Jones, 2017, p.104), c'est-à-dire une contrainte temporelle façonnée par des contradictions tacites. Dans le cas présenté par Acheson-Clair, d'une part, l'institution (c'est-à-dire l'université) exige que les programmes de formation mis en œuvre présentent un "apprentissage à fort impact", c'est-à-dire un apprentissage qui participe à la transformation de l'apprenant, principalement entendu comme un processus qui devrait contribuer à son employabilité et à son efficacité dans les tâches qui doivent être accomplies. D'autre part, l'institution exige que cet apprentissage à fort impact soit mesurable à court terme (c'est-à-dire après la formation mise en œuvre, ou après les possibilités d'apprentissage offertes, comme un voyage à l'étranger). La dissonance apparaît inscrite entre deux exigences (transformation et évaluation/responsabilisation) dont les temporalités sont en contradiction l'une avec l'autre : la première peut être difficile à anticiper, car elle peut nécessiter une longue durée de traitement par l'apprenant ; la seconde s'inscrit dans une temporalité fixe, prescrite par l'organisation et orientée vers le court terme.

Inadéquation rythmique entre la nature de la tâche et les habitudes des participants

Sarah Moore, dans sa présentation sur "l'apprentissage assisté par la technologie" (technology-enhanced learning) et Daphne Loads dans sa communication sur les "lectures collaboratives approfondies" (collaborative close readings) (basées sur l'utilisation de la poésie et d'autres formes de textes) dans le cadre du développement professionnel, ont toutes deux fourni des exemples d'activités d'apprentissage potentiellement ressenties comme déstabilisantes pour les participants concernés (en général, des professeurs ou des chargés de cours universitaires). La première a illustré les manières dont l'utilisation des nouvelles technologies dans l’enseignement universitaire peut être vécue comme une expérience déstabilisante. La seconde a montré comment la lecture de règlements ou d'articles universitaires, suivant des modalités proches de celles utilisées dans les études littératures, constitue également une pratique qui remet potentiellement en question les hypothèses que l'on a sur la signification de l'enseignement ou de la recherche à l’université. Dans les deux cas, il m'est apparu qu'une partie de la dissonance qui a pu être ressentie par les participants est liée au fait que l'activité promue (p.ex., l'utilisation de la technologie en temps réel ou l'exercice de la lecture lente) semble perturber le rythme habituel associé à l'activité professionnelle (i.e., l’enseignement ou la recherche). Une telle perturbation peut ainsi provoquer de l'anxiété (comment faire face à l'exigence qu'implique l'utilisation de nouvelles technologies ?) ou de l'impatience (comment la lecture de poésie peut contribuer à mes besoins pratiques quotidiens ?)

Expérience de dilemmes rythmiques et apprentissages transformateurs

La dissonance rythmique, la double contrainte temporelle et l'inadéquation rythmique, représentent trois formes (parmi d'autres) de dilemmes rythmiques. Ils confrontent les formateurs et les apprenants à des exigences temporelles complémentaires, antagonistes et contradictoires dont la complexité peut apparaître à première vue comme déstabilisante. D'une part, en accord avec la théorie de l'apprentissage transformateur de Mezirow, on peut supposer que l'expérience de tels dilemmes peut déclencher des processus de transformation. D'autre part, il faut admettre que lorsque de tels dilemmes rythmiques restent tacites ou insolubles, les contradictions qu'ils révèlent peuvent devenir une source de comportements dysfonctionnels ou de frustration.

Comment faire des dilemmes rythmiques une source d'apprentissage significative ?

Après ma présentation, un participant m'a posé la question : "Qu'avez-vous appris de votre expérience de dissonance rythmique aux États-Unis et comment vous en êtes-vous accommodé ?” Une telle question est cruciale. Rétrospectivement, il me semble qu'il y a au moins trois aspects clés à considérer :

  1. C'est peut-être évident, mais il faut d'abord distinguer le type d'apprentissage qui peut être attendu en regard du calendrier de formation, et les apprentissages qui vont au-delà de ce cadre. Certains apprentissages très significatifs peuvent se produire presque instantanément, alors que d'autres nécessitent un effort soutenu (p.ex., la réflexivité, le dialogue). Cela n'est pas toujours aisé à déterminer à l'avance et cela peut même devenir en soi un sujet de discussion entre les apprenants et la personne en charge de la formation.

  2. Il semble également crucial de reconnaître les limites temporelles qui caractérisent le contexte d'apprentissage, afin de s'assurer qu'il n'y a pas de malentendu avec les participants sur ce qui peut réellement être accompli dans les limites temporelles imparties à la formation.

  3. Il est essentiel que la personne en charge de la formation sensibilise les participants aux dilemmes rythmiques qui déterminent le cadre d'apprentissage, afin d'attirer leur attention sur cette dimension de la formation.

  4. Dans certains cas, il peut également être nécessaire d'envisager une remise en question du cadre temporel de la formation lui-même, afin de l’adapter aux objectifs d'apprentissage fixés par l'institution. Ce point est probablement le plus sensible, car il suggère que les formateurs (et les apprenants) soient prêts à remettre en cause le statu quo temporel afin de défendre des rythmes de formation alternatifs.

Personnellement, il m’arrive d’avoir recours à la métaphore du vaccin pour décrire le processus d'apprentissage. Chaque fois que la durée de la formation reste limitée, mon objectif est de faire germer certaines idées, sachant que si les apprenants sont prêts à y avoir recours, ils pourront peut-être faire une “piqure de rappel" ultérieurement. Ce qui devient alors essentiel, c'est de s'assurer qu'il y a la possibilité de maintenir le dialogue avec les apprenants par la suite. Ainsi, on part très tôt du principe que l'apprentissage se fait à travers une forme de répétition qui se produit sur le long cours. L'enjeu est alors de fournir l'occasion de déployer la réflexion et le dialogue au-delà du cadre formel associé à une formation spécifique.


Citer cet article: Alhadeff-Jones, M. (2017, avril 27). Apprentissages transformateurs et expérience de dilemmes rythmiques. Rhythmic Intelligence. http://www.rhythmicintelligence.org/blog/2017/4/27/transformative-learning-and-the-experience-of-rhythmic-dilemmas-7fs3k

Transformative learning and the experience of rhythmic dilemmas

Paterson's Land, University of Edinburgh (Photography: Michel Alhadeff-Jones, 2017)

Paterson's Land, University of Edinburgh (Photography: Michel Alhadeff-Jones, 2017)

I was recently in Edinburgh to participate to a one-day conference on Transformative Learning theory (Transformative Learning Theory and Praxis: New and Old Perspectives) organized by the Institute for Academic Development of the University of Edinburgh. From a rhythmanalytical perspective, the papers presented and the discussions that followed triggered many interesting reflections. Retrospectively, it appears to me that there was an invisible thread between most of the communications presented: being committed to foster transformative learning may bring educators and learners to experience and question specific forms of rhythmic dilemmas.

Rhythmic dissonance between different organizational cultures

I started my own communication around "The Rhythms of Transformative Learning" by sharing with the audience the "rhythmic dissonance" I experienced when I taught in the United States for the first time. As I described it elsewhere (Alhadeff-Jones, 2017, p.1):

"In 2004, when I moved to New York City and designed my first life history seminar at Columbia University, I had to adjust a process that used to be facilitated over 30 sessions [in Switzerland] to fit within a five-week period. It required me to divide the number of class hours by two. The compression – some would call it an acceleration – was not only concerning the amount of time spent with students; it was also affecting the frequency of our encounters and the learning process that was occurring between each session."

I experienced this episode as a source of dissonance for two reasons. First, because it challenged the way I used to conceive the activity of teaching in higher education in Switzerland. Second, because it confronted me to the political, economical and psycho-sociological issues raised by the requirement to 'accelerate' the learning process involved in my course.

Temporal double binds within institutional expectations

In her presentation on "High Impact Learning in Higher Education", Kris Acheson-Clair (with J.D. Dirkx and C.N. Shealy) also expressed some of the dilemmas experienced in the field of academic development. Their presentation revealed what I have identified as a "temporal double bind" (Alhadeff-Jones, 2017, p.104), that is a temporal constraint shaped by tacit contradictions. In the case presented by Acheson-Clair, on the one hand, the institution (i.e., the university) requires that training programs implemented display 'high impact learning', that is a learning that participates to the learner's transformation, mainly understood as a process that should contribute to their employability and efficiency in the tasks they have to accomplish. On the other hand, the institution requires such high impact learning to be measurable in the short term (i.e., following the training implemented, or after learning opportunities provided, such as traveling abroad). The dissonance appears embedded between two requirements (transformation and evaluation/accountability) whose temporalities are in contradictions with each other: the first one may be difficult to anticipate, as it may require a long duration to be processed by the learner; the second one is inscribed in a fixed temporality, prescribed by the organization and oriented toward the short term.

Rhythmic mismatch between the nature of the task and participants' habits

Sarah Moore in her presentation on "technology-enhanced learning" and Daphne Loads in her communication around "collaborative close readings" (based on the use of poetry and other forms of texts) in professional development, both provided examples of learning activities potentially experienced as disorienting for the participants involved (e.g., university lecturers or professors). The first one illustrated how the use of new technology by professors in higher education may be lived as a destabilizing experience. The second one illustrated how reading policy documents or academic articles, as if one was reading poetry, also constitutes a practice that potentially challenges one's assumptions about the meaning of teaching or doing research in higher education. In both case, it appeared to me that part of the dissonance that may have been experienced by participants has to do with the fact that the activity promoted (e.g., using real-time technology or exercising slow reading) appears to disrupt the usual pace associated with the professional activity (i.e., teaching or doing research). Such disruption may thus provoke anxiety (how to cope with the requirement involved in the use of new technology?) or impatience (how reading poetry may contribute to my everyday practical needs?)

The experience of rhythmic dilemmas embedded in transformative learning

Rhythmic dissonance, temporal double bind and rhythmic mismatch, represent three forms (among others) or rhythmic dilemmas. They confront educators and learners to complementary, antagonistic and contradictory temporal requirements whose complexity may appear at first as destabilizing. On the one hand, in congruence with Mezirow's transformative learning theory, one may assume that the experience of such dilemmas may trigger transformative processes. On the other hand, one has to admit that whenever such rhythmic dilemmas remain tacit or unsolvable, the contradictions they reveal may become a source of dysfunctional behaviors or frustration.

How to make rhythmic dilemmas a source of meaningful learning?

Following my presentation, a participant asked me: "What did you learn from your experience of rhythmic dissonance in the United States and how did you accommodate to it?" Such a question is crucial. Retrospectively, it seems to me that there are at least three key aspects to consider:

  1. It may be obvious, but there is at first a need to identify what kind of learning can be reasonably expected considering the timeframe of the training, and what type of learning goes beyond. Some very meaningful learning may occur almost instantaneously, when others require a sustained effort (e.g., self-reflection, dialogue). It is not always easy to determine in advance and it may become by itself a matter of discussion between the learners and the educator.

  2. It seems crucial to acknowledge the temporal limitations that characterize the learning setting, to make sure that there is no misunderstanding with participants about what can really be accomplished through the limited timeframe of the training.

  3. It is critical that the educator raises awareness around the rhythmic dilemmas that determine the setting, to draw the learners' attention around that dimension of the training.

  4. Whenever needed, it may also be necessary to consider challenging the temporal framework of the educational setting, so that it can accommodate the learning objectives that were set by the institution. This point is probably the most sensitive one, as it suggests that trainers (and learners) are willing to challenge the temporal status quo to advocate for alternative educational rhythms.

In my own experience, I sometimes use the metaphor of the vaccine to describe the learning process. Whenever the time frame of the training remains limited, my goal becomes to inoculate some ideas, knowing that whenever the learners may be willing to use them, they may be able to do a 'booster shot' later. What becomes critical then, is to make sure that there is an opportunity to sustain the dialogue with learners afterwards. So, there is very early on in the process the assumption, that learning occurs through a form of repetition that happens on a long duration. What is at stake becomes then to provide the opportunity to sustain the reflection and the dialogue beyond the formal setting of a specific training.


Cite this article: Alhadeff-Jones, M. (2017, April 27). Transformative learning and the experience of rhythmic dilemmas. Rhythmic Intelligence. http://www.rhythmicintelligence.org/blog/2017/4/27/transformative-learning-and-the-experience-of-rhythmic-dilemmas

Se représenter les rythmes d'une transformation

Source: "The Very Hungry Caterpillar" by Eric Carle

Source: "The Very Hungry Caterpillar" by Eric Carle

Le développement à l’âge adulte soulève évidemment des questions d’ordre temporel, mais pourrait-on également l'envisager à partir des questions rythmiques qu’il soulève ? Comment élaborer une théorie rythmique permettant de décrire les processus à travers lesquels les adultes se transforment ? Ces questions sont au cœur de mes réflexions actuelles sur l'apprentissage transformateur et la théorie du rythme.

La transformation comme discontinuité

La transformation est souvent conçue comme une "discontinuité" qui façonne la vie d'une personne. Elle peut par exemple être provoquée par une crise, un événement ou un accident qui amènent à réorganiser sa façon de vivre et de concevoir ce que l’on est et ce que l’on fait. Cette conception est au cœur de nombreuses théories en psychologie et en formation des adultes, notamment la théorie de l'apprentissage transformateur développée par Jack Mezirow (1991/2001).

La transformation en tant que processus continu

Une autre façon de concevoir l'émergence d'une transformation dans la vie d'une personne suggère de l'envisager à travers des processus continus à peine perceptibles, soit parce qu'ils sont inconscients, soit parce qu'ils sont tellement habituels qu'ils n'attirent pas l'attention ; ce que François Jullien (2009) appelle des "transformations silencieuses". Ainsi, les transformations qui caractérisent le développement d'un enfant peuvent être conçues comme "continues", car de petits changements quotidiens apparaissent - souvent sans être remarqués - jusqu'à ce qu'ils contribuent finalement à l’émergence de marqueurs plus significatifs de sa croissance (p.ex., le premier pas , le premier mot prononcé, etc.)

La transformation en tant que processus rythmique

Ces deux conceptions de la transformation n'ont pas besoin d'être opposées l'une à l'autre. Les concevoir simultanément nécessite néanmoins de développer un langage qui permette de décrire les relations entre continuité et discontinuité. C'est, à mon avis, l'enjeu central inhérent au développement d'une conception rythmique du changement (Alhadeff-Jones, 2016, 2017).

Quand un papillon arrive à la rescousse

Pour illustrer cette affirmation, j'ai commencé à utiliser les deux vidéos ci-dessous avec les participants d'un de mes cours afin d’attirer leur attention sur les aspects rythmiques des processus développementaux.

Je commence par cette séquence, car elle représente la manière stéréotypée dont on envisage un processus de transformation : l'émergence du papillon adulte hors de son cocon ; la discontinuité ultime !

Après neuf jours de changements invisibles, le papillon monarque adulte est prêt à rencontrer le monde ! (Source : Jefferson Lab)

Par la suite, je montre la séquence ci-dessous – qui vient en premier dans l'ordre chronologique – car elle illustre la production de la chrysalide elle-même, un phénomène souvent négligé lorsqu'on parle de la "naissance" d'un papillon pour illustrer sa transformation.

Transformation de la chenille en chrysalide. (Source : Jefferson Lab)

Dans les deux vidéos, ce qui est frappant, ce sont les caractéristiques rythmiques des changements qui se produisent. Ce type de technique d’enregistrement (time lapse) est particulièrement puissant pour révéler ces rythmes, car ils resteraient autrement invisibles à l'œil nu (plus d'informations à ce sujet dans un autre article !). Les deux vidéos illustrent ainsi des rythmes spécifiques inhérents aux changements qui se produisent dans le corps de la chenille/chrysalide/papillon, bien qu’ils apparaissent de manière plus prépondérante à certains stades qu’à d'autres.

Ces phénomènes, bien que déjà complexes, ne le sont évidemment pas autant que les processus de changement qui affectent la vie des humains. Ils nous fournissent cependant de puissantes analogies pour en saisir certains enjeux. En attirant l’attention sur les micro-changements qui se produisent dans un processus de transformation, ces phénomènes rendent visibles les rythmes quotidiens inhérents à un processus de transformation.

Et vous ?

Connaissez-vous d'autres exemples de phénomènes naturels ou humains qui présentent des caractéristiques rythmiques inhérentes aux processus de transformation d'une manière qui peut être facilement perçue par les sens humains ? Merci d’utiliser la section des commentaires ci-dessous pour poster vos suggestions!


Citer cet article: Alhadeff-Jones, M. (2017, avril 6). Se représenter les rythmes d'une transformation. Rhythmic Intelligence. http://www.rhythmicintelligence.org/blog/2021/1/19/envisioning-the-rhythms-of-a-transformation-eb9cm

Envisioning the rhythms of a transformation

Source: "The Very Hungry Caterpillar" by Eric Carle

Source: "The Very Hungry Caterpillar" by Eric Carle

Adult development is obviously a matter of time, but could we envision it as a matter of rhythms? How to develop a rhythmical theory to describe how adults transform themselves? Those questions are located at the core of my ongoing reflections around transformative learning and rhythm theory.

Transformation as a discontinuity

Transformation is often conceived as a 'discontinuity' shaping one's life. It may for instance be triggered by a crisis, an event or an accident that brings one to reorganize the way one lives and the way ones conceives who we are and what we do. This conception is at the core of many theories in psychology and adult education, including Mezirow's (1991) transformative learning theory.

Transformation as a continuous process

Another way to conceive the emergence of a transformation in one's life suggests one to envision it through ongoing processes that are barely noticeable, either because they are unconscious or because they are so casual that they do not attract attention; what Jullien (2009) calls "silencious transformations". Thus, the transformations that characterize the development of a child may be conceived as 'continuous', as everyday little changes emerge – often unnoticed – until they eventually contribute to significant markers of one's growth (e.g., the first step made, the first word pronounced, etc.).

Transformation as a rhythmic process

Those two conceptions of transformation do not have to be opposed to each other. Conceiving them altogether requires nevertheless to develop a language that allows one to describe the relationships between continuity and discontinuity. In my opinion, this is what is at stake in the development of a rhythmic conception of change (Alhadeff-Jones, 2016, 2017).

When a butterfly comes to rescue

To illustrate this claim, I have started using the two videos below with the participants of one of my courses to raise their attention to the rhythmic aspects of one's development.

I start with this video, as it represents the stereotypical way one envisions a transformation: the emergence of the grown butterfly out of its cocoon; the ultimate discontinuity!

After nine days of behind the scenes changes, the adult monarch butterfly is ready to meet the world! (Source: Jefferson Lab)

Then, I show the video below, which chronologically comes first, as it illustrates the production of the chrysalis itself; a phenomenon often overlooked when one refers to the 'birth' of a butterfly as an illustration of a transformation.

Change from a caterpillar (the larva) to a chrysalis (the pupa). (Source: Jefferson Lab)

In both videos, what is striking is the rhythmical features of the changes that occur. Time lapse videos are particularly powerful to reveal such rhythms, as they would remain otherwise invisible to the naked eye (more on that in another post!). Both videos display specific rhythms inherent to the changes that occur in the body of the caterpillar/chrysalis/butterfly, but they are more pregnant at some stages than others.

Such phenomena, although quite complex, are obviously not as complex as the ones that affects human's life. They provides us however with powerful analogies to start grasping what is at stakes when one pays attention to the micro-changes that occur through a process of transformation. They display the everyday rhythms inherent to a transformation.

What about you?

Do you know any other examples of natural or human phenomena that display rhythmic features inherent to transformative processes in a way that can be easily perceived by human senses? Please, use the comment section below to post your suggestions. Thank you!


Cite this article: Alhadeff-Jones, M. (2017, April 6). Envisioning the rhythms of a transformation. Rhythmic Intelligence. http://www.rhythmicintelligence.org/blog/2021/1/19/envisioning-the-rhythms-of-a-transformation